Professionnel réfléchissant à sa stratégie de retraite, moment de clarté fiscale

La question de la défiscalisation via le Plan d’Épargne Retraite (PER) est souvent réduite à une simple équation : plus votre Tranche Marginale d’Imposition (TMI) est élevée, plus le PER est intéressant. Si cette affirmation n’est pas fausse, elle est dangereusement incomplète. Elle ignore le paramètre le plus crucial : votre situation fiscale future, au moment de la retraite.

Préparer sa retraite est une démarche de fond qui dépasse la simple optimisation fiscale. C’est une vision à long terme, au cœur des préoccupations d’acteurs historiques de la protection patrimoniale. L’enjeu n’est pas seulement de savoir combien vous économisez aujourd’hui, mais de déterminer si cet avantage immédiat ne se transformera pas en un fardeau fiscal demain. La véritable clé de décision n’est pas votre revenu actuel, mais votre trajectoire de carrière et la TMI que vous aurez au moment de liquider votre PER.

La défiscalisation du PER décryptée

  • Le vrai calcul : Le gain fiscal du PER ne dépend pas de votre TMI actuelle, mais de l’écart entre votre TMI pendant les versements et votre TMI à la retraite.
  • Au-delà du revenu : Votre trajectoire de carrière (stable, ascendante, fluctuante) est plus déterminante que votre salaire à un instant T.
  • Le seuil clé : La TMI à 30% est souvent le point de bascule où le PER devient fiscalement puissant, mais des exceptions existent.
  • Stratégies avancées : Le PER non déductible et la mutualisation des plafonds de couple sont des options puissantes pour les faibles revenus ou les situations complexes.

Quand le PER est-il fiscalement intéressant ?

Le PER devient fiscalement très intéressant lorsque votre Tranche Marginale d’Imposition (TMI) au moment des versements est supérieure à votre TMI estimée à la retraite. La TMI de 30% est généralement considérée comme le seuil de pertinence.

Le piège de la TMI à la retraite : calculez votre gain fiscal réel sur le long terme

L’avantage fiscal du PER est un report d’imposition, pas une annulation. L’argent que vous versez est déduit de votre revenu imposable aujourd’hui, ce qui génère une économie d’impôt immédiate. Cependant, les sommes que vous récupérerez à la retraite (le capital) seront soumises au barème de l’impôt sur le revenu. Le véritable enjeu est donc la confrontation entre votre TMI d’aujourd’hui et celle de demain.

La déduction des versements sur le PER n’est qu’un report d’imposition et le véritable enjeu est la différence entre la Tranche Marginale d’Imposition (TMI) au moment des versements et la TMI au moment de la retraite.

– Experts en fiscalité retraite, Avenue des Investisseurs

Imaginons un scénario « piège » : un cadre supérieur avec une TMI de 30% verse sur son PER pendant 20 ans. À la retraite, grâce à une pension confortable et des revenus locatifs, sa TMI reste à 30%. Dans ce cas, l’économie d’impôt réalisée pendant sa vie active est entièrement neutralisée par l’imposition à la sortie. Le gain fiscal net est nul. Pire, si sa TMI à la retraite passait à 41%, il serait perdant. Pour un même versement de 10 000€, l’économie d’impôt varie considérablement : elle est de 3 000€ pour une TMI à 30%, mais grimpe à 4 100€ à 41% et 4 500€ à 45%.

Le tableau suivant illustre l’impact de la trajectoire de revenus sur le gain fiscal réel pour un versement de 5 000 €.

Scénario TMI actuelle Économie à l’entrée (5000€) TMI probable à retraite Gain net réel
Cadre revenus stables 30% 1 500€ 30% 0€ (report)
Cadre revenus augmentent 30% 1 500€ 41% -550€ (perte)
Cadre revenus baissent 41% 2 050€ 11% +1 500€ (gain)

Votre trajectoire de revenus, plus importante que votre salaire actuel

Plutôt que de raisonner sur un simple niveau de revenu, il est plus pertinent d’analyser la pertinence du PER selon des profils de carrière distincts. La décision ne sera pas la même pour un jeune diplômé, un travailleur indépendant ou un salarié en milieu de parcours professionnel.

Étude de cas : Trois profils face au PER

Profil 1 (Jeune diplômé, 28 ans) : Avec des revenus de 35 000€, sa TMI est de 11%. Le PER est peu attractif aujourd’hui. Cependant, s’il anticipe une forte progression de carrière qui le mènera à une TMI de 30% ou plus, commencer tôt peut être stratégique, mais peut-être avec des versements non déduits au début. Profil 2 (Freelance, 35 ans) : Ses revenus oscillent entre 40 000€ et 70 000€. Avec une TMI à 30%, le PER est un outil puissant pour maximiser les versements durant les « grosses années » et ainsi lisser sa fiscalité. Profil 3 (Cadre, 45 ans) : Gagnant 90 000€ (TMI 41%), il anticipe une pension confortable. Si sa TMI de sortie risque de rester à 41%, l’intérêt de la déduction fiscale s’amenuise fortement.

Pour les jeunes diplômés à fort potentiel, l’intérêt du PER dépend moins de leur faible TMI actuelle que de leur trajectoire de revenus et de la TMI de sortie estimée. Pour prendre une décision éclairée, il faut esquisser sa propre trajectoire de revenus et, après avoir esquissé votre trajectoire, vous pouvez simuler les gains d’un PER pour quantifier l’impact de différents scénarios.

Méthode pour évaluer votre trajectoire de revenus

  1. Étape 1 : Identifiez votre TMI actuelle sur votre dernier avis d’imposition (ligne revenu imposable ÷ parts fiscales).
  2. Étape 2 : Estimez votre revenu moyen annuel à la retraite (pension CNAV + autres revenus + patrimoine).
  3. Étape 3 : Recalculez quelle sera votre TMI de sortie avec ces revenus de retraite.
  4. Étape 4 : Si TMI sortie TMI actuelle, le PER devient contreproductif.
  5. Étape 5 : Ajustez votre stratégie : privilégier les versements non déduits si TMI montante attendue.

De la théorie à la pratique : quels seuils de revenus en euros pour chaque TMI ?

Parler de TMI à 30% ou 41% reste abstrait. Pour rendre la décision concrète, il est essentiel de traduire ces pourcentages en seuils de revenus annuels nets, en tenant compte de la situation familiale. Un célibataire et un couple avec enfants n’atteignent pas les mêmes tranches d’imposition pour un même niveau de revenu global.

Le tableau ci-dessous fournit une correspondance pratique entre les seuils de revenus nets annuels (après abattement de 10%) et les TMI pour 2025, selon la composition du foyer fiscal.

Situation familiale TMI 0% TMI 11% TMI 30% TMI 41% TMI 45%
Célibataire (1 part) <11 497€ 11 498-29 315€ 29 316-83 823€ 83 824-180 294€ >180 295€
Couple sans enfant (2 parts) <22 994€ 22 995-58 630€ 58 631-167 646€ 167 647-360 588€ >360 589€
Couple + 1 enfant (2,5 parts) <28 743€ 28 744-73 288€ 73 289-209 558€ 209 559-450 735€ >450 736€
Couple + 2 enfants (3 parts) <34 491€ 34 492-87 945€ 87 946-251 469€ 251 470-540 882€ >540 883€

Ces chiffres mettent en lumière l’impact majeur du quotient familial. Ce mécanisme, qui divise le revenu imposable par le nombre de parts du foyer, repousse significativement les seuils d’entrée dans les tranches supérieures pour les familles.

Représentation des seuils de revenus et TMI selon la composition familiale

Cette structure montre bien que le quotient familial peut réduire la TMI effective de près de 3 tranches pour un couple avec deux enfants par rapport à un célibataire aux revenus équivalents. Un couple avec deux enfants a besoin d’un revenu beaucoup plus élevé pour atteindre la même TMI qu’un célibataire, un facteur souvent sous-estimé dans les simulations simplistes.

À retenir

  • Le gain fiscal du PER dépend de l’écart entre votre TMI à l’entrée et votre TMI à la sortie.
  • Votre trajectoire de carrière est un meilleur indicateur que votre salaire actuel pour décider.
  • La TMI de 30 % est souvent le seuil de pertinence, mais le quotient familial peut changer la donne.
  • Même avec un faible revenu, des stratégies comme le PER non déductible ou la mutualisation existent.

Explorer les cas limites : quand le PER reste une option malgré un faible revenu

Que faire si votre TMI est de 11% ? L’économie d’impôt est réelle, mais faible, face à la contrainte du blocage des fonds jusqu’à la retraite. Pour un versement de 2 000€, le gain fiscal n’est que de 220€. Cependant, l’aspect « épargne forcée » du PER peut avoir une valeur en soi pour les personnes ayant des difficultés à épargner de manière disciplinée.

Ce tableau analyse le compromis entre le gain fiscal et le blocage des fonds pour une TMI à 11%.

Versement annuel Économie impôt (TMI 11%) Rendement annuel moyen 4% Intérêt ‘épargne forcée’ Verdict
2 000€ 220€ 80€ Modéré Neutre (épargne forcée utile)
5 000€ 550€ 200€ Bon Intéressant si discipline nécessaire
10 000€ 1 100€ 400€ Fort Très intéressant malgré TMI basse

Pour les personnes non imposables ou faiblement imposées, une autre stratégie existe : le PER avec versements non déductibles. L’intérêt n’est plus de réduire l’impôt aujourd’hui, mais d’obtenir une fiscalité allégée à la sortie : seul le gain (plus-value) est imposé au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30%, tandis que le capital est exonéré.

Cas du couple non imposable : l’optimisation par le PER non déduit

Stéphane et Marie, avec 3 enfants et 55 000€ de revenus nets, sont non imposables grâce au quotient familial. En ouvrant un PER sans demander la déduction fiscale, ils se constituent une épargne dont les plus-values seront taxées à seulement 30% (PFU) à la retraite, ce qui est bien plus avantageux que l’imposition au barème progressif qui s’appliquerait sur la totalité du capital en cas de déduction à l’entrée.

Enfin, une technique d’optimisation avancée et méconnue concerne les couples mariés ou pacsés avec des TMI très différentes.

La stratégie de couple optimisée : le conjoint à TMI élevée peut utiliser le plafond de déduction non utilisé du conjoint à faible revenu, un point rarement expliqué avec un cas pratique chiffré. Exemple : si l’un gagne 100 000€ (TMI 41%) et l’autre 25 000€ (TMI 11%), le premier peut déduire jusqu’à 12 500€ (plafond du second) à titre de plafond mutualisé.

– Conseillers patrimoniaux, Magnolia – Mutualisation plafond PER

Pour des situations spécifiques, il est crucial d’étudier les solutions adaptées. Vous pouvez explorer les contrats retraite qui répondent à ces besoins complexes et personnalisés.

Questions fréquentes sur la défiscalisation PER

Je suis non imposable à cause du quotient familial. Le PER m’intéresse-t-il ?

Oui ! Même sans déduction fiscale actuelle, vous pouvez ouvrir un PER pour profiter d’une fiscalité favorable sur les gains à la sortie. Versements non déduits + gains imposés à 30% (PFU) = fiscalité avantageuse.

Puis-je vraiment mutualiser mon plafond inutilisé avec mon conjoint ?

Oui, à condition que vous soyez mariés ou pacsés et que vous cochiez la case 6QR sur votre déclaration conjointe. Les plafonds des 3 années précédentes peuvent aussi être transférés.

Quel est l’intérêt du PER si j’anticipe une TMI identique à la retraite ?

Même avec une TMI stable, le PER offre l’effet d’une épargne forcée (blocage des fonds) et une croissance sans friction fiscale pendant 30-40 ans. À long terme, cet effet composé surpasse souvent le coût du report d’imposition.

Comment vérifier ma TMI actuelle et anticipée ?

TMI actuelle : diviser votre revenu imposable total par vos parts fiscales et localiser le résultat dans le barème 2025. TMI de sortie : anticiper votre pension CNAV (estimable sur retraite.gouv.fr) + autres revenus, puis recalculer le barème.

Quel est le plafond exact que je peux déduire en 2025 ?

Pour un salarié : 10% de vos revenus 2024 (maximum 37 094€) ou minimum 4 637€. Ce plafond exact est indiqué sur votre avis d’imposition à la rubrique ‘PLAFOND ÉPARGNE RETRAITE’.